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Engagement coopératif

Le concept d’engagement coopératif demeure sous-défini, bien qu’il soit central au fonctionnement et à la pérennité des coopératives. Les recherches existantes s’appuient sur divers courants théoriques (comportement organisationnel, sociologie politique, démocratie participative, économie coopérative) pour décrire comment et pourquoi les membres s’engagent durablement dans leur coopérative. De cette synthèse émerge une vision multidimensionnelle de l’engagement, où les membres sont à la fois usagers, propriétaires et gouvernants de l’organisation. Voici le résultat actuel de nos recherches, de êmem que notre proposition de définition de travail. Ces éléments évolueront selon l'avancement de nos travaux. Restez à l'affût!

Définition proposée de l’engagement coopératif

L’engagement coopératif désigne une relation durable et multidimensionnelle entre un membre et sa coopérative, caractérisée par une identification affective aux valeurs de l’organisation, une participation active et continue à sa gouvernance et à ses activités, ainsi qu’un attachement normatif à sa mission. Il se manifeste par l’intention et les actions de soutenir, co-détenir et co-diriger la coopérative, même lorsque des options concurrentes paraissent plus attrayantes à court terme

1. Approches théoriques de l’engagement

Dans la littérature sur le comportement organisationnel, l’engagement est généralement défini comme un état psychologique qui lie l’individu à l’organisation (Meyer & Allen, 1991), comprenant trois composantes : affective (attachement émotionnel), de continuité (coût de départ) et normative (obligation morale). Becker (1960) propose en complément que l’engagement s’inscrit dans une logique de « paris subsidiaires », c’est-à-dire des investissements antérieurs qui rendent le retrait coûteux.

Ces modèles ne suffisent toutefois pas à saisir la complexité du contexte coopératif, où les relations entre membres et organisation sont aussi politiques et idéologiques.

2. Dimensions participatives et politiques

L’engagement coopératif possède une dimension civique et délibérative proche de ce que la théorie démocratique nomme engagement citoyen. Cela comprend la participation active aux processus décisionnels – voter, siéger en conseil, débattre – qui renforce le sentiment d’appropriation collective. Des chercheurs comme Talpin (2006) ou Berger (2009) montrent que cette participation transforme aussi les individus, consolidant leur appartenance et leur engagement.

L’« être engagé » se double ainsi d’un « s’engager » : non seulement les membres participent, mais ils influencent les orientations collectives.

 

3. Composantes économiques et instrumentales

En tant qu’entreprise économique, la coopérative doit offrir de la valeur à ses membres. L’engagement est ainsi conditionné par les bénéfices perçus – prix, ristournes, services – et la confiance dans la gestion. Toutefois, il persiste même en contexte économique moins favorable lorsque les membres adhèrent aux valeurs coopératives ou anticipent des avantages futurs.

Cette double loyauté – idéologique et économique – distingue l’engagement coopératif de la fidélité classique.

 

4. Un construit multidimensionnel

De cette analyse, l’engagement coopératif peut être défini comme un construit multidimensionnel articulé autour de :

 

  • L’identification affective aux valeurs de la coopérative (solidarité, démocratie, entraide).

  • La rationalité instrumentale, où les membres évaluent les coûts et bénéfices de leur engagement.

  • L’obligation normative, ancrée dans une appartenance morale ou idéologique.

  • La participation politique, fondée sur le pouvoir d’agir collectivement.

  • L’expression comportementale, visible dans les actes concrets (vote, réunions, parrainage, achats).

 

Ces dimensions sont renforcées par des facteurs psychologiques (confiance, satisfaction), organisationnels (transparence, structure), sociaux (ancrage communautaire) et institutionnels (autonomie démocratique).

Dimensions opérationnelles de l'engagement coopératif

1. Identification affective

Il s’agit du sentiment d’appartenance et de fierté que peut éprouver un membre envers sa coopérative. Par exemple, un producteur agricole peut se dire fier de vendre ses produits à une coopérative qui valorise le commerce équitable ou la production locale. Ce lien affectif se renforce lorsque les valeurs de la coopérative (solidarité, démocratie, entraide, ancrage local) correspondent aux valeurs personnelles du membre.

2. Rationalité instrumentale

Les membres s’engagent aussi parce qu’ils y trouvent un avantage. Cela peut être un meilleur prix, un service adapté à leurs besoins, ou des retombées économiques à long terme (ex. ristournes, services techniques, accès à des marchés). Même si la coopérative n’est pas toujours la plus compétitive à court terme, certains membres choisissent d’y rester par loyauté ou par anticipation de bénéfices durables.

3. Obligation normative

Certains membres ressentent un devoir moral de soutenir leur coopérative, par solidarité avec les autres membres ou parce qu’ils croient au modèle coopératif. Par exemple, un membre peut continuer à s’impliquer activement, même sans bénéfice immédiat, parce qu’il estime que la coopérative joue un rôle important dans la communauté ou dans son secteur d’activité.

 

4. Participation politique

L’engagement se manifeste aussi par l’implication dans la vie démocratique de la coopérative : participer aux assemblées générales, voter, poser des questions, siéger sur un comité ou au conseil d’administration. Cette dimension est cruciale pour la légitimité des décisions et pour assurer que la coopérative reste fidèle à ses membres. À titre d’exemple, une coopérative qui réussit à mobiliser ses membres autour d’enjeux importants bénéficie souvent d’un engagement plus solide et durable.

5. Expression comportementale

Enfin, l’engagement se traduit dans des comportements observables : faire affaire avec la coopérative (achat, vente, utilisation des services), parrainer d’autres membres, participer à des événements, contribuer aux consultations, etc. Ces gestes renforcent le lien entre le membre et la coopérative, tout en contribuant à sa vitalité.

L’engagement coopératif n’est pas qu’un concept théorique. Il a des effets très concrets :

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  • Il favorise la stabilité : des membres engagés restent plus longtemps et assurent la continuité.

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  • Il réduit les coûts : un membre engagé comprend mieux les règles, respecte les décisions et agit avec loyauté.

  • Il soutient la gouvernance : les décisions prises sont plus facilement mises en œuvre quand les membres ont participé à leur élaboration.

  • Il protège l’identité coopérative : face à des changements ou des pressions du marché, les membres engagés sont souvent les premiers à défendre les valeurs fondamentales de la coopérative.

  • Il alimente l’innovation : des membres qui s’expriment, posent des questions et proposent des idées enrichissent les orientations de la coopérative.

Pourquoi cette notion est-elle stratégique pour les coopératives?

Bibliographie essentielle

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